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La petite histoire de l’indémodable maillot SONITEX de l’équipe nationale algérienne

Le maillot arboré par l’équipe nationale algérienne lors de la coupe du Monde en 1982, est une tenue authentiquement algérienne. Il est sorti des ateliers de la Société Nationale du Textile (SONITEX), grande société étatique spécialisée entre autres dans la confection des costumes et des tenues de sport. Cette entreprise nationale avait fait son apparition dans le domaine sportif lors des jeux africains d’Alger en 1978 en habillant la délégation sportive et le personnel organisateur.

Une tenue moderniste 

Sans chauvinisme, le public algérien avait fortement apprécié la tenue de la Coupe du Monde de 1982. Elle était effectivement moderniste dans sa conception. Beaucoup l’ont placée comme le meilleur équipement porté par l’équipe nationale en soixante ans de son histoire. La tenue était tellement élégante que certains, certes parfois par nostalgie, ont suggéré sa «résurrection».

Apparemment, ils ont été entendus puisque la firme Adidas, l’équipementier actuel de la Fédération Algérienne de Football a lancé dernièrement pour toutes les sélections nationales un maillot et un short qui ressemblent à ceux de la Sonitex (voir photos).

Sans être une copie conforme (peut être pour des raisons de droits d’auteur), le nouveau maillot des verts rappelle les beaux souvenirs des années quatre vingt au cours desquelles, l’Algérie avait décroché brillamment deux participations de rang en phase finale de la Coupe du Monde 1982 et 1986.

Ce maillot a eu une résonance mondiale après les exploits réalisés par les algériens dans les compétitions internationales. En Algérie ce sont les équipes nationales des autres sports qui l’ont adopté et c’est devenu une sorte de label au même titre que One,two, thrée viva l’Algérie.

La petite histoire du maillot 

Le succès de cette production de la Sonitex a tout de même une petite histoire qui mérite d’être racontée.

Au lendemain de la qualification pour la coupe du monde en Espagne, les grandes marques de tenues sportives sollicitent naturellement dans le cadre de leurs stratégies de communication, les pays qualifiés pour leur proposer de l’argent pour le port de l’équipement de leur marque.

C’est une pratique courante dans le sport haut niveau et dans les grandes manifestations sportives, devenues de géantes vitrines de leurs produits. Elles sont devenues aussi des espaces où se déroulent la grande bataille commerciale des firmes par athlètes interposés. C’est normal, le marché des consommateurs est évalué à plusieurs millions de personnes dans le monde entres sportifs et spectateurs. A l’époque, Adidas, Puma se partageaient le gros morceaux avant que ne viennent les déranger les firmes américaines Reebook et Nike.

Pour l’Algérie, c’est la socièté Adidas qui lui a soumis une «meilleure» offre en lui proposant une somme 150 000 francs français (23 000 Euros) et un lot de tenues. Cette somme représentait en réalité la taille du pays dans la sphère footballistique de l’époque c’est à dire un pays sans carte de visite, sans titre international qui se retrouve dans la cour des grands. C’était la première fois qu’on soumettait à la Fédération ce type de proposition. Mais comparée à celle des autres pays, l’offre est loin de rivaliser avec les concurrents du Mondial.

Les autorités politique du pays ne s’étaient pas pas opposés au marché; une manière pour eux de “traduire dans les faits la nouvelle tendance économique” prônée par Chadli Bendjedid, alors Président de la République et son clan. Cette orientation aurait pu s’applique à des marchés plus consistants mais concernant  le projet de contrat avec Adidas,  il proposait des miettes  à une époque  où  l’Algérie nageait  dans l’opulence avec des prix de baril de pétrole au plus haut niveau.

La femme qui a tout bouleversé 

La FAF, sur injonction du Ministère, était sur le point de parapher le contrat quant une femme surgit du néant pour dénoncer ce «honteux contrat». Il faut relever aussi peu de gens faisaient confiance à la production de SONITEX par rapport aux grandes firmes mondiales.

Cette femme s’appelle Mme Alouache,  la Directrice commerciale de Sonitex qui a mené une campagne sans relâche contre «ce renoncement à la production locale». Sous cette revendication elle avait en réalité posé un débat politique entre ceux qui défendaient la production nationale et les nouveaux tenants de l’infitah ( terme en vogue à l’époque qui signifie ouverture économique).

Pour justifier le contrat avec la firme allemande certains disent qu’il ne faut être plus socialistes que les socialistes en s’appuyant sur le fait que l’équipe de l’URSS avec toute sa grandeur est habillée par Adidas.

Suivie dans sa bataille par deux journalistes, l’un d’EL Moudjahid , M.Abderrazek MERAD  et l’autre de l’APS Said SELHANI , cette dame a réussi à gagner au fur à mesure l’opinion et la presse parmi lesquelles un homme; un chroniqueur politique de l’APS au nom Hadj Cheikh Bouchane, âgé aujourd’hui de 79 ans. Ce dernier qui a apprécié la «grinta» de cette Dame seule contre tous, a pondu, à la surprise de son milieu professionnel, un commentaire qui prend position avec  Sonitex. Sous le titre «L’inacceptable marché», cet article, diffusé sur le fil de l’agence APS a été le tournant de l’affaire. La surprise c’est que l’APS n’est pas habitué de produire ce genre de commentaire qui va à l’encontre d’une décision venue d’en haut fût – elle du Ministère de la Jeunesse et des Sports. D’ailleurs lors de la réunion briefing quotidienne de la rédaction de l’APS , le Directeur général, certainement, bousculé par cette inattendue initiative, a indiqué que l’agence a outrepassé sa mission, mais il était loin de désavouer l’auteur.

Quelques jours après, les décideurs à leur tête le Président de la République en personne,  ont annulé le contrat avec Adidas, laissant le champ libre à la Sonitex de prouver son savoir faire.

Le choix de Sonitex pose un autre problème

Les nouvelles tenues de l’équipe nationale ont été exhibées au cours d’un défilé sous le regard la maîtresse de cérémonie qui n’est autre que la Directrice commerciale Mme Allouache

La rupture du contrat avec la firme allemande a posé un autre problème celui de la marque des chaussures que l’équipe nationale doit enfiler dans les matches. Sonipec homologue de Sonitex spécialisée en tannerie, ne s’était pas lancé dans le domaine de l’équipement sportif. On a pensé au corps mais pas aux pieds.

Avec quels souliers faut il jouer?. Les responsables ont laissé le choix aux joueurs . Certains ont peinturé le logo des chaussures.

Les joueurs auxquels on a promis des primes en devise à partir des entrées d’argent de Adidas n’ont pas apprécié la décision de délaisser la contrat avec Adidas. Mais en pleine coupe du monde, juste à quelques jours du fameux match contre l’Allemagne, quelques joueurs ont exprimé leur mécontentement à deux journalistes Algériens . Cette grogne des joueurs, relayée encore une fois par l’agence APS, a crée des remous dans les arcanes du pouvoir. Ils ont ensuite dépêché illico presto, un membre de la FAF avec une valise pleine d’argent pour éteindre le feu.

La coupe du Monde finie, la Sonitex est sortie grand vainqueur grâce à une courageuse femme qui a bien défendu l’intérêt de son entreprise .

Ce maillot qui a fait couler beaucoup d’encre a survécu jusqu’en 1990, année au cours de laquelle l’équipe algérienne a remporté la coupe d’Afrique des nations avec la maillot de la société nationale.

L’équimentier français le Coq sportif  de la FAF dnas les années 2000 a copié en 2003 une tenue similaire mais sans lendemain.

Aujourd’hui, certains fabricants, pour répondre surtout à un besoin de quelques nostalgiques, proposent dans leurs boutiques ou par le biais de internet des maillots identiques à ceux de 1982. Et ça marche très bien. C’est le meilleur hommage qu’on puisse rendre à la production nationale.

L’EN de 1982

L’EN de 1986

EN 1990

L’EN de 2022

Belmadi avec le maillot de 2003

 

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